La Sainte Église Orthodoxe, en mère attentive, élève des prières quotidiennement, lors de chaque office divin, pour tous ses enfants partis dans le pays d’éternité. Voici comment: à l’office de minuit sont lus les tropaires et les prières pour les défunts, et il est fait mémoire d’eux lors la litanie finale. De même aux complies. Aux matines et vêpres, lors de la litanie appelée ardente : « aie pitié de nous, ô Dieu ». Au cours de la liturgie ils sont commémorés trois fois : à la proscomédie, à la litanie après l’Évangile, et après la sanctification des Saints Dons, au moment de l’hymne : « Il est digne en vérité ».
Ainsi la Sainte Église prie d’elle-même sans interruption, et d’une façon générale, pour tous nos ancêtres, pères, frères et sœurs, qui nous ont précédés. Mais notre sainte obligation à nous, est de nous préoccuper nous-mêmes du salut de l’âme de nos propres défunts qui ne peuvent, dans la vie d’outre-tombe, rien faire de bon pour eux-mêmes, pour les péchés qu’ils ont commis sur terre. Ils espèrent en nous et attendent notre aide, à nous qui sommes leurs proches, leurs parents, ou qui les avons connus.
Voici cette aide que nous pouvons leur apporter : notre prière offerte avec foi et amour, dans les temples de Dieu et dans les maisons privées; les œuvres bonnes que nous accomplissons en leur mémoire; mais le principal et le plus efficace pour obtenir la miséricorde divine à l’égard des défunts, c’est la liturgie pour les morts, ou l’offrande du sacrifice non sanglant pour leur salut. Là, le Seigneur Lui-même est secrètement immolé sur l’autel, et par cela, amène la miséricorde divine à pardonner au défunt ses péchés, pour lequel intercède le plus Grand des Intercesseurs, et est apporté le plus Saint et le plus Puissant Sacrifice. Saint Cyrille de Jérusalem dit : « Prions pour tous les défunts pour lesquels est offert sur l’autel le Sacrifice saint et terrible, dans la foi que ces âmes en reçoivent un immense profit ». Les parcelles retirées des prosphores à la mémoire des âmes des défunts, au cours de la Divine Proscomédie, sont plongées dans la Sang Vivifiant du Christ, cependant que le prêtre prononce : “Lave, Seigneur, par Ton Sang Précieux et les prières de Tes Saints, les péchés de ceux dont il est fait ici mémoire”. Voilà l’immense signification qu’a pour les défunts, au moment de la Divine Liturgie, l’offrande de prosphores et les diptyques portant leurs noms.
La Sainte Église accomplit à notre demande, un office particulier à la mémoire de chacun de nos parents ou proches défunt, aux jours de leur commémoration ; mais surtout aux dates importantes après leur repos, qui sont le troisième, le neuvième, le quarantième jours, et le jour anniversaire. La commémoration en ces jours-là vient de la tradition apostolique, instituée pour les raisons suivantes :
Au troisième jour, parce que le défunt a été baptisé au nom de Père, du Fils et de l’Esprit Saint, Dieu Unique en la Trinité; ensuite parce qu’il a conservé les trois vertus théologales, qui sont la base de notre salut, c’est-à-dire, la foi, l’espérance et l’amour, troisièmement parce qu’il y avait dans son être intérieur trois forces, la raisonnable, la sensible et la volontaire, par lesquelles, tous nous péchons et, comme les actes de l’homme s’expriment de trois façons : action, parole et pensée, en commémorant le troisième jour, nous prions la Sainte Trinité de pardonner au défunt tous les péchés qu’il a commis par ces trois forces en action.
Au neuvième jour, pour que l’âme du défunt soit rendue digne de l’union au cœur des Saints par les prières et l’intercession des neuf ordres angéliques.
Au quarantième jour, en référence à la tradition des Apôtres, qui ont donné force de loi dans l’Église du Christ à la coutume ancestrale des juifs de pleurer les morts pendant quarante jours, la Sainte Église depuis les temps les plus reculés a édifié comme règle de faire mémoire des défunts pendant quarante jours et tout particulièrement le quarantième.
Ainsi que la Christ a vaincu Satan, étant resté quarante jours dans le jeûne et la prière, exactement de même la Sainte Église, offrant durant quarante jours des prières, des dons, et des sacrifices non sanglants en l’honneur du défunt, demande pour lui au Seigneur la grâce de vaincre l’ennemi, le subtil prince des ténèbres, et de recevoir en héritage le Royaume céleste.
La commémoration des défunts au bout d’un an à partir du jour de leur mort, et chaque année suivante, s’accomplit afin de renouveler notre amour pour eux par des prières et des œuvres bonnes. Le jour de leur fin est en quelque sorte leur seconde naissance, pour la vie nouvelle éternelle.
La Sainte Église a institué de plus des jours particuliers, qu’on appelle “ancestraux”, pour une commémoration solennelle et universelle de tous ceux qui sont morts dans la vraie foi. Tels sont :
Le samedi de carnaval, c’est-à-dire le samedi précédant la “semaine des laitages”.
Trois samedis du Grand Carême : le deuxième, le troisième et le quatrième.
Le lundi ou le mardi de la “semaine de Thomas” (qui suit la “semaine radieuse” de Pâque) appelé “Radonitsa”
Le samedi précédant la Pentecôte, c’est-à-dire, la veille de la fête de la Sainte Trinité.
Le samedi précédant le 26 octobre, ou samedi de Dimitri, institué par le Grand Prince Dimitri Ioannovitch Donskoï, pour la mémoire éternelle des guerriers tués sur le champ de bataille de Koulikovo (le 8 septembre 1380).
Le 29 août, jour de la décollation de Saint Jean le Précurseur.
« Efforçons-nous — dit Saint Jean Chrysostome — d’aider les défunts autant que possible: au lieu de larmes, au lieu de sanglots, au lieu de tombeaux somptueux, nos prières pour eux, des œuvres bonnes et des dons, afin qu’ainsi, et eux et nous, nous recevions les bontés promises. »
Chacun de nous aspire à ce qu’après notre départ de cette vie nos proches ne nous oublient pas et prient pour nous. Pour que ceci s’accomplisse, nous devons nous-mêmes aimer nos proches défunts. « On se servira, pour vous mesurer, de la même mesure avec laquelle vous aurez mesuré »[1], dit la Parole de Dieu. C’est pourquoi, Dieu, et aussi les hommes, se souviendront, au moment de sa mort, de celui qui aura commémoré les défunts.
Prie le Seigneur pour le repos de tes ancêtres, pères et frères défunts, quotidiennement, matin et soir, et que la mémoire de la mort vive en toi, et que l’espérance d’une autre vie après la mort ne s’éteigne pas en toi, et que ton esprit s’humilie chaque jour à la pensée de la rapidité avec laquelle passe ta vie.
L’homme mort est un être vivant : “Dieu n’est pas le Dieu de morts, mais des vivants, car tous sont vivants devant Lui”[2]. L’âme volette invisiblement auprès du corps, et des lieux où elle aimait se trouver. Si elle est morte dans le péché, elle ne peut se défaire de leurs liens et a un grand besoin des prières des vivants et surtout de l’Église, la très sainte épouse du Christ.
Ainsi donc, prions sincèrement pour les morts, cet immense bienfait est pour eux plus grand que la bienfaisance pour les vivants.
Frères ! Quel est le but de notre vie sur terre ? C’est, suite à notre épreuve dans les afflictions et les malheurs terrestres, et après un perfectionnement progressif dans les vertus avec l’aide des dons bienheureux reçus dans les sacrements, de reposer en Dieu à notre mort : le repos de notre esprit. Voilà pourquoi nous chantons pour les morts : « Fais reposer, Seigneur, l’âme de Ton serviteur défunt ». Nous désirons pour le défunt le repos, terme de tout désir, et nous prions Dieu pour cela. N’est-il pas déraisonnable alors, de s’affliger énormément à propos des morts ? « Venez à Moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et Je vous donnerai le repos »[3], dit le Seigneur. Voici nos défunts, qui se sont endormis dans une fin chrétienne, ils arrivent à cet appel du Seigneur, et se reposent. Pourquoi alors, s’affliger ?
Qu’est donc notre vie ? Une bougie qui brûle. Il suffit seulement à Celui qui l’a donnée, de souffler dessus, et elle s’éteint. Qu’est-ce que notre vie ? La marche du voyageur : arrivé à une certaine limite, les portes s’ouvrent devant lui, il quitte son vêtement de pèlerin (son corps) et son bâton, et entre dans sa maison. Qu’est-ce que notre vie ? Une guerre longue, sanglante, pour la conquête de la vraie patrie et de la vraie liberté. La guerre est terminée : vous êtes vainqueur, ou vaincu, vous êtes appelé du lieu de la bataille, vers celui du salaire, et vous recevez du Trésorier, soit la récompense et la gloire éternelle, soit le châtiment et la honte éternels.
La prière, c’est le lien en or du chrétien, voyageur et étranger sur terre, avec le monde spirituel dont il fait partie, et surtout avec Dieu ; l’âme est venue de Dieu, et c’est vers Dieu qu’elle retourne toujours à travers la prière. La prière apporte un grand bienfait à celui qui prie : elle apaise l’âme et le corps, elle donne le repos non seulement à l’âme de celui qui prie : « Je vous donnerai le repos » [4], mais aussi à celles de nos ancêtres, pères, frères et sœurs, déjà arrivés.
Voyez l’importance de la prière !
Signification du “Kolivo”, de l’encensoir et des bougies.
Le “kolivo” ou “koutia” consiste en du blé cuit avec du miel. Le blé signifie ici que les morts ressusciteront hors de leurs tombeaux au jour de la Résurrection générale. Ainsi que le grain de blé semé en terre pourrit d’abord et semble mourir, puis renaît et apporte du fruit. Le Sauveur Lui-même a dit à Ses disciples : « Amen, amen, Je vous le dis : si le grain tombé en terre ne meurt, il demeure seul, mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit »[5]. Le miel adoucissant le blé désigne les délices dont sera comblé le défunt pour l’éternité.
L’encensoir matérialise le parfum des prières élevées pour le mort, ainsi que le dit le psalmiste : Que ma prière s’élève, comme l’encens devant Toi[6].
Les bougies sont l’image de ce mystère : celui qui a vécu selon la loi de Dieu, dans la Lumière de la foi Orthodoxe, est transféré de la vie sombre d’ici-bas, vers la Lumière Céleste.
Notes:
[1] Luc 6, 38
[2] Luc 20, 38
[3] Mat 11, 28
[4] Mt 11, 28
[5] Jean 12, 24
[6] Ps 140